Le Roi Ulvain assassiné ! Les traîtres à la potence !

MORT DU ROI ULVAIN Ier

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Régicide

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Tout s'était déroulé comme prévu. Alors qu'elle se dirigeait vers les appartements royaux, d'un pas si léger de tout remord qu'il en frôlait l'insanité, Dame Glaynasser souriait dans l'ombre. Ses petits yeux plein de ruse luisaient d'un éclat singulier en ce début de soirée, tandis qu'elle se remémorait les différentes strates du complot qu'elle avait initié – ou plutôt pensait avoir initié. Elle avait d'abord envoyé cette lettre à Arslan Dondarrion, ce Duc discret et effacé de la scène politique, qu'elle savait très attaché au nom prestigieux de sa famille. C'est là-dessus qu'elle avait joué, en plus de ses charmes, pour le convaincre de la rencontrer dans le plus grand secret. L'intendante avait sentit le vent tourner, à vrai dire, elle était le vent. Le Roi s'enfonçait toujours plus dans la fange de ses excès, noyant avec lui un Royaume qui ne lui reconnaissait plus sa légitimité. Il fallait agir. Agir vite. Le destin appelait au changement. Elle incarnerait ce changement. Il lui suffirait de faire entendre raison à l'héritier du Royaume, et à le convaincre que destituer le Roi laverait le nom des Dondarrion. Elle comptait le charmer, afin de s'assurer une place de choix dans la nouvelle configuration du pouvoir qu'elle s'était imaginée. Il avait mit du temps à répondre à sa missive. Mais il n'y avait pas manqué, ils se rencontreraient.

Face à cet homme qu'elle n'avait jamais rencontré, l'intendante avait usé de tous ses stratagèmes, abusant de ses charmes et de sa ruse pour duper cet Arslan qui se présentait à elle non sans inquiétude. Était-ce parce qu'il se doutait de la raison de leur entrevue ? Parce qu'il savait déjà, sans se l'avouer, qu'il n'y avait qu'une seule issue possible pour son porc de père ? Elle se plaisait à l'imaginer. Elle surjoua l'émotion, jusqu'à se jeter à ses pieds, jusqu'à prendre ses mains pour lui faire sentir les larmes de l'affliction qu'elle était parvenue à faire perler sur ses joues. Quelle ne fut pas sa surprise, et son soulagement, quand le Duc lui fit part de ses sentiments semblables. Lui aussi savait qu'il n'y avait qu'une solution pour que le Roi cesse de bafouer le nom des Dondarrion. Elle lui fit comprendre qu'il était dans son propre intérêt de l'aider à destituer le Roi, car c'était ce que le devoir leur dictait. Plus grande encore fut sa satisfaction, cachée derrière un jeu d'actrice aussi talentueuse que sournoise, quand il acquiesça à l'idée d'une destitution plus efficace que celle à laquelle on pouvait songer s'il l'on s'inquiétait du respect des lois. Elle se souvint de son regard embué plongé dans le sien, et de ses paroles dramatiques affaissant ses épaules et sa dignité, quand leurs mains se tenaient l'une d'entre l'autre, tous deux à genoux, au centre de la pièce macabre qu'ils s'apprêtaient à jouer.

Quelques jours avaient passé. Chacun de leur côté, ils avaient mis en place les différents actes de leur sinistre comédie. Arslan lui procura une fiole de poison. « Prenez grand soin de le manipuler avec précaution, lui avait-il soufflé. Le poison mettra plusieurs jours à agir, il donnera l'impression que le Roi est malade. Versez-le dans une bouteille de sa liqueur favorite, vous devrez vous tenir à ses côtés pur vous assurer qu'il la boive sans en laisser une goutte. » Oh, bien sûr, il avait longuement résisté à l'idée d'empoisonner son père. Mais ils avaient convenu que c'était le seul moyen de faire trépasser le Roi sans qu'aucun soupçon de meurtre ne vienne entacher la succession. Le regard emplit de remords du Duc resta graver dans sa mémoire. Même en cet instant, alors qu'elle se diriger à pas lents vers les appartements du Roi, lieu de la scène principale, elle ne pouvait s'empêcher du jubiler intérieurement. Elle avait parfaitement mené sa barque. En ce moment même, Arslan devait être en train de brûler les preuves du complot. Bientôt, le Roi serait mort, et elle serait Reine. Reine aux côtés d'un fils parricide, si attaché à son sens du devoir qu'il était prêt à gouverner un Royaume qu'il avait volé à son souverain légitime. Mais qu'importe les remords d'Arslan. « Bientôt je serai Reine », se répétait-elle inlassablement, tenant dans ses doigts assassins la bouteille qui serait l'arme avec laquelle elle tuerait son Roi.

Elle poussa la porte de la chambre. De forts relents musqués s'en réchappèrent. Le Roi nageait dans un épais brouillard mélangeant l'encens et la luxure. Ulvain Ier était accompagné de deux femmes entièrement nues, lovées dans ses bras chacun d'un côté, complètement alanguies. Elles restèrent impassibles à l'entrée de l'intendante, mais pas leur suzerain. Il leur ordonna de disposer, d'un ton sec, sans ménagement. Les concubines s'exécutèrent sans s'offusquer, habituées qu'elles étaient au tempérament du Roi. Celui-ci avait posé son regard impérieux sur la gracile intendante, enveloppée dans une robe transparentes aux pans flottants. Il leva nonchalamment sa main, lui intimant par un geste de l'index de s'approcher, ce qu'elle fit en prenant soin de fermer la porte sur les deux gardes qui la gardait depuis le couloir. Ils avaient pris l'habitude de voir l'intendante se glisser dans les appartements du Roi, car la sournoise dame Glaynasser avait préparé son terrain. Elle s'était faite la concubine d'Ulvain, qu'elle courtisait pour endormir sa méfiance depuis déjà plusieurs semaines. Son sourire ne fut jamais aussi sincère que lorsqu'il se saisit de la bouteille qu'elle lui offrait avec son corps. Il l'ouvrit d'un mouvement habile du pouce, allongé sur le côté, ordonnant à l'intendante de danser pour lui.

Était-ce l'habitude ? Ou bien simplement l'euphorie d'un plan qui se déroulait à la perfection ? Reste que dame Glaynasser ne fut jamais aussi sensuelle que ce soir-là, sa danse confondant l'érotisme et le goût délicat de la victoire, tandis qu'elle l'observait s'empoisonner allégrement, sans même s'en rendre compte. Mais la danse ne dura pas aussi longtemps qu'elle se l'était imaginé, et la saveur du succès laissa bientôt place à l'amertume du désespoir. Car le visage d'Ulvain avait mué en un rictus agonisant, celui-ci se redressant d'un bon, portant ses mains à sa gorge dont les veines bleuies par le poison se dessinaient en d'épaisses rainures macabres. Grimaçant, titubant, agonisant, il poussa un cri étranglé avant de tendre la main vers l'intendante, dépourvue, la dévisageant comme pour l'accuser de sa trahison. L'intendante demeurait frappée de mutisme, horrifiée. Le poison n'aurait pas dû faire effet si vite ! Les soldats pénétrèrent dans la pièce en trombe, lame au dehors, mais il était trop tard. Leur souverain s'écroula hors du lit, poussant un râle interminable tandis que son corps tout entier virait au noir. Il poussa son dernier soupir dans un ultime sanglot étouffé, avant de rendre l'âme.

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Châtiment

« Complot ! » hurlait l'intendante. « Je ne suis pas une meurtrière ! Je suis innocente ! C'est Arslan, le fils Dondarrion ! C'est lui le coupable ! Il m'a manipulée ! » mentait-elle à tue-tête, hurlant sa terreur à l'approche de la potence, où elle était menée après avoir passé quatre nuits dans les geôles du donjon. Les gardes la traînait sur le sol, tandis qu'elle se débattait telle une furie aux ongles rongés jusqu'au sang, aux cheveux abimés par la poussière des cachots et au regard enfiévré à l'idée de la mort. On la jeta sur le plancher de la potence. Mais elle n'était pas seul. A côté d'elle, un homme de haute et fine stature, aux longs cheveux blonds vénitiens, se tenait à genoux sur le plancher, poignets et chevilles ferrés. On le présentait comme Arslan Dondarrion, mais il n'avait rien de semblable à l'homme avec qui elle avait fomenté le meurtre du Roi. Médusée, plongée dans une perplexité abyssale, elle en fut frappé de mutisme, ne lâchant pas des yeux cet homme au dos courbé et à l'expression anéantie. On prononça la sentence. Celle qui avait été décidée lors de leur procès, organisé la veille et au cours duquel les preuves du complot furent présentés à la vue de tous. On faisait se lever dame Glaynasser. Arslan, ou plutôt cet homme qui s'était fait passer pour Arslan, il était censé s'être occupé des documents... On lui passait la corde au cou. Le poison n'aurait pas du agir aussi vite, elle aurait du s'en tirer sans qu'on la soupçonne, il le lui avait assuré... On donna l'ordre au bourreau. Dame Glaynasser écarquilla alors les yeux. Avant que ceux-ci ne s'injectent de sang au moment où la mort l'étrangla, ils s'allumèrent d'une lucidité désespérée et ô combien tardive. Elle pensait avoir dupé le Duc de Glour. Mais c'était elle qu'on avait dupé. Elle pensait devenir Reine... Mais la corde lui rompit le cou.

Quelles conséquences ?

> C'est un cousin éloigné des Dondarrion, Gaubert Barnouin, qui prend la tête du Royaume. Mais cette solution convient à peu de monde parmi les grands de ce monde. On dit du nouveau roi, un jeune adulte sans expérience du pouvoir et totalement dépassé, qu'il est simple d'esprit. Dans l'ombre, les Ducs se réunissent en conclaves secrets pour décider du nom de celui qui lui succédera. Destituer Gaubert Barnouin sera chose aisée, car le jeune homme fut nommé Roi sans l'avoir voulu, et ne manifeste aucune volonté de conserver son titre.

> L'ombre du doute plane toutefois sur l'issue de ce tragique événement. Qui donc était cet homme qui s'est fait passé pour Arslan Dondarrion, trompant du même coup l'intendante et scellant son triste sort ? D'où peut venir ce poison que notre homme mystère lui a procuré pour assassiner leur souverain ? Autant d'énigmes qui ont déjà leurs solutions, pour qui cherche bien...

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